שנצא מתוך המיצרים והכיסופים אל חירות שלמה | Puissions-nous sortir de l’étroitesse et des aspirations vers une liberté entière

Pessah 5785 nous arrive alors que nous sommes encore dans un chapitre dramatique de nos vies individuelles et collectives, et la liberté – que nous célébrons lors de cette fête – semble parfois être un concept qui s'est éloigné de nous. L'appel qui a déclenché tout le voyage vers la liberté du peuple d'Israël a commencé par les mots : "Laisse partir mon peuple" – et aujourd'hui, nous éprouvons une tension douloureuse entre l'obligation d'être dans un état d'esprit festif lors du souvenir de la sortie d'Égypte, et le sentiment qu'une rédemption complète n'a pas encore été réalisée pour les otages. "Tu raconteras à ton fils ce jour-là, en disant : c'est pour cela que l'Éternel a agi pour moi quand je suis sorti d'Égypte", nous lisons cela dans la Haggadah, mais cette année, cet appel résonne différemment en nous. Cette année, l'appel de "tu raconteras" est brisé, car lors de la nuit du Seder familial, manquent tous ceux qui sont en captivité, tous ceux pour qui nous sommes anxieux à chaque instant et avec qui et pour qui  nous implorons la rédemption. La liberté qui caractérise la fête de Pessah arrive à la suite de notre histoire en tant que peuple sortant d'une captivité véritable et longue. C'est précisément pour cette raison qu'à travers les générations, on a souligné la gratitude lors de l'arrivée de la rédemption, et la foi en son pouvoir de se réaliser même dans des temps épuisants et terribles qui paraissent éternels. Chaque année, nous nous sommes efforcés de nous voir comme si nous étions sortis de la détresse, de l’étroitesse, mais nous ressentons tous que l'année dernière, nous avons vécu des souffrances que la plupart d'entre nous n'avaient jamais encore traversées auparavant. Et maintenant, cette année encore, nous ne sommes toujours pas des êtres libres – des otages sont toujours en captivité, ainsi que des femmes et des hommes assassinés lors des pogromes du 7 octobre et dont les corps retenus otages n'ont toujours pas été enterrés, ne pouvant clore le cycle de vie dont leurs proches ont pourtant tant besoin. 

"Et d'où pourrait-on seulement commencer maintenant à crier, à oublier, à pardonner, à être le moi d'avant, le moi d'après, celui que je ne serai jamais", écrit le poète Hagai Perets, et dans ses mots, on peut entendre notre question à l'approche de la fête de Pessah, la fête de la liberté, qui nous arrive cette année encore au milieu d’une fracture – comment être dans ce temps, après que nous ne sommes plus ceux que nous étions.

Ce recueil comprend des piyyoutim (poèmes liturgiques), des poèmes, des prières et des essais comme proposition supplémentaire de soutien pour cette fête de Pessah. Dans l'incertitude qui nous entoure à l'entrée de cette fête, ce recueil est une prière et une invitation au soutien personnel et communautaire. Une demande pour que, au milieu de tout ce chaos, nous trouvions du réconfort dans le choix de revenir aux textes traditionnels et d'y adjoindre une nouvelle voix, même si ce retour s'accompagne d'une déconstruction et d'une reconstruction des fondements de nos vies. Et pour cela, nous proposons ici des textes inédits – s'inspirant des formes traditionnelles de la poésie liturgique tout en embrassant l'essence de la création poétique et de la prière – qui perpétuent une œuvre constituant un dialogue ininterrompu entre le passé et le présent.

L'appel "Dans chaque génération, chacun doit se voir comme s'il était lui-même sorti d'Égypte" prend cette année encore une signification nouvelle et profonde. Nous sommes appelés à nous voir sortir d'Égypte, alors que nos frères y sont encore emprisonnés, sans savoir quand ils reviendront. Plus le temps passe, plus la douleur se creuse, perce, désespère, mais en même temps exige de nous l'espoir – un espoir qui s'accroche à chaque fissure. Parallèlement à notre cri pour la nécessaire liberté, des otages libérés revenus de l'enfer de la captivité s'assiéront avec nous lors de cette fête, et leur gratitude, celle de leurs proches et celle de nous tous est très présente, minute après minute. Un cri nous parvient des lieux étroits, à l'approche de la saison des fêtes sans que la souffrance ne soit achevée. Un cri inaudible provient des tunnels où les otages sont enchaînés, et le cri croissant de leurs familles et de leurs communautés. Même si nous nous sentons impuissants face à la réalité, nous sommes avec eux dans la détresse.

S'il y a un appel essentiel qui émerge de ce recueil, c'est bien la demande et la prière que nos lieux d’étroitesse se rencontrent. Que le cri étouffé des otages et notre propre cri, ici, au dehors, se fondent en un seul et même grand cri de sortie "de l'obscurité vers la lumière et de l'asservissement vers la rédemption". Dans ce recueil, nous avons cherché à tisser ensemble différentes voix qui tentent de donner une place à cette complexité, et à rappeler que tout a changé cette nuit-là. On peut choisir de laisser une chaise vide à la table du Seder, rendant présents les otages et aussi l'espoir retrouveront la liberté, on peut adopter les mots traditionnels de la Haggadah de Pessah et on peut ajouter certains mots des piyyoutim, des poèmes, des prières et des essais que nous avons rassemblés ici dans ce recueil. Notre intention n'est pas de masquer la réalité ou d'adoucir son amertume, mais d'offrir des mots qui permettront de la porter.

Nous prions pour le retour des otages. Comme l'a écrit la poétesse Iris Eliya Cohen: "Remplace l'obscurité par la lumière / la suffocation par le souffle / l'amertume par la joie / la prière par la gratitude / les captifs par les êtres libres".

Dans l'espoir de bonnes nouvelles.

Traduit par Miléna Kartowski-Aïach